Paris-Roubaix : on a percé les mystères de la trouée d'Arenberg
vendredi 6 avril 2018 à 19:55 Par Stéphane Barbereau, France Bleu Nord
Si Arenberg est devenu un secteur pavé légendaire, c'est parce que le lieu est habité par l'Histoire : la mine, toute proche, a servi de décor au film "Germinal", la trouée aurait été créée pour le passage de Napoléon.
Wallers, France
2,4 kilomètres de pavés spectaculaires mais jamais décisifs. La trouée d'Arenberg se trouve bien trop loin de l'arrivée pour que l'homme qui en sort en tête soit assuré de la victoire finale. Mais ce ce lieu légendaire recèle quelques secrets plus ou moins connus.
Arenberg, ses mineurs et les coureurs
Les chevalements font partie du décor. Ces monstres de ferraille sont posés à 500 mètres de l'entrée de la trouée. La mine et le cyclisme, une vieille histoire. Les ouvriers ont toujours été friands des courses cyclistes de village et puis il y a eu Paris-Roubaix à partir de 1968 raconte René Lukasiewicz, le président de l'association des anciens mineurs :
La trouée servait pour les mineurs qui venaient de l'extérieur et arrivaient en calèche. Après, ils sont arrivés en mobylette. Ils étaient 50, 60 à la traverser matin, midi et soir
Un homme symbolise cette alliance entre la mine et le vélo : Jean Stablinski qui est descendu dans la mine, deux semaines selon René : "il en avait peur !". L'ancien champion du Monde de cyclisme résumait ainsi sa vie de mineur et de coureur : "je suis le seul à être passé au-dessus et en-dessous de la trouée d'Arenberg". Une galerie passe en effet juste en-dessous du légendaire secteur pavé.
Bien avant l'arrivée de la "Reine des Classiques", la forêt de Wallers était un lieu de détente pour les ouvriers et leur famille, notamment d'origine polonaise. On se rassemblait à l'entrée de la trouée, autour d'un immense chêne pour jouer de la musique, chanter des musiques traditionnelles.
En 1992, trois ans seulement après sa fermeture, la mine d'Arenberg est investie par les caméras de Claude Berri qui y tourne l'adaptation de Germinal, le roman d'Emile Zola. Ce film sera finalement le début d'une longue reconversion pour la mine d'Arenberg qui se tourne maintenant vers une toute autre industrie, celle du numérique.
Une forêt multimillénaire
Aux entrées de la trouée d'Arenberg, on trouve ce panneau de l'Office national des forêts : "la drève des boules d'hérain". Explications de texte de Philippe Merlin, responsable à l'ONF :
C'est un terme qui vient probablement de l'anglais "to drive". Et les boules d'hérain parce qu'à l'origine, il y avait des piliers avec des boules en airain qui devaient délimiter la forêt de la drève
Un secteur pavé trop dangereux ?
Sur Paris-Roubaix parmi les 29 secteurs pavés empruntés cette année par le peloton, la trouée d'Arenberg figure parmi les 3 les plus difficile. Est-il justement trop difficile, trop dangereux ? La polémique est souvent revenu depuis la découverte de ce secteur en 1968. En 1998, Johan Museeuw y avait lourdement chuté avant de souffrir de complications après une opération pour une fracture ouverte de la rotule. Ce qui ne l'avait pas empêche de remporter au total 3 Paris-Roubaix (1996, 2000 et 2002).
Cette année, on a d'ailleurs vu le champion belge s'entraîner avec les coureurs lors de reconnaissance.
A very special guest on the cobbles today! 👐
— Paris-Roubaix (@Paris_Roubaix) April 6, 2018
Un invité de marque sur les pavés en ce vendredi ! 👐@johanmuseeuw 💪
🏆 1996, 2000, 2002#ParisRoubaixpic.twitter.com/1mbrhzqSv6
Les chutes font partie de Paris-Roubaix rappelle Marc Madiot, double vainqueur au Vélodrome et patron aujourd'hui de l'équipe Groupama-FDJ :
Quand on est coureur, qu'on rentrait dans Arenberg, on savait où on allait, ça fait partie de la magie. A partir du moment où on essaie de tout asseptiser, on perd de l'intérêt
On est prévenu mais ça n'empêche pas d'aborder ce secteur avec de l'inquiétude, comme Frédéric Guesdon, vainqueur en 1997 :
Vous pouvez être super et ne pas être sûr de sortir d'Arenberg dans un bon état
Le stress aussi pour les organisateurs comme Jean-Marie Leblanc, ancien directeur de l'épreuve :
J'avais la trouille de l'accident de la chute, du renversement d'un spectateur. Je ne connais pas un suiveur ou un coureur qui ne poussait pas un gros ouf de soulagement à la sortie !
Cette trouée d'Arenberg résume finalement bien l'état d'esprit battant, courageux des habitants du Nord-Pas-de-Calais.