Sylvia, battue par son compagnon à Auxerre : "Si mon médecin avait pu parler, il m'aurait aidée"
L'Assemblée nationale se penche ce mardi sur un nouveau texte de La République En Marche (LaREM) consacré aux violences conjugales. Une proposition qui autorise notamment la levée du secret médical lorsque le professionnel de santé a la conviction que la victime est en danger.

Chaque année, plus de 210.000 femmes sont victimes de violences physiques ou sexuelles de la part de leur compagnon. Au moins 126 femmes ont été tuées par leurs conjoints ou ex-conjoints en France l'an dernier.
L'Assemblée nationale se penche justement ce mardi sur un nouveau texte de La République En Marche (LaREM) consacré aux violences conjugales. Cette proposition de loi du groupe majoritaire arrive après un autre texte LR (les républicains) adopté en décembre, à la suite du "Grenelle des violences conjugales".
"Il y a quelques années, un médecin s'est rendu compte que j'étais maltraitée. Je pense qu'à cette époque-là, il aurait bougé." - Sylvia
La proposition autorise notamment la levée du secret médical lorsque le professionnel de santé a la conviction que la victime est en danger et ce même sans son accord. C'est une bonne nouvelle pour Sylvia, qui habite près d'Auxerre. Il y a 7 ans, elle a trouvé le courage de s'enfuir de son domicile avec sa fille après avoir subi les coups et les insultes de son compagnon durant plus de 25 ans. "C'est vrai qu'il y a quelques années, un médecin s'est rendu compte que j'étais maltraitée. Et je pense qu'à cette époque-là, il aurait bougé. Il a essayé de me faire parler mais j'étais tellement dans l'emprise que je ne voulais pas parler. J'avais honte. Et puis j'avais peur des représailles. Donc je pense que c'est bien que les médecins le signalent. Ils nous rendent service, parce que le conjoint pervers peut moins nous en vouloir, déjà."
"J'avais tellement peur, je savais qu'il allait me faire la peau."
Mais Sylvia estime que ce qu'il faut changer en priorité, c'est l'isolement des femmes victimes de violences. "On est vraiment abandonné. Un jour il m'a agressé pour me prendre ma voiture. La voisine était dehors, je me suis dit qu'elle allait appeler les gendarmes mais elle n'a pas bougé. On est vraiment abandonné", répète l'auxerroise.
Par peur des représailles, Sylvia n'a jamais réussi à parler à son médecin ou à quiconque des coups que lui infligeait son compagnon. Ça a duré 25 ans. "A la fin, j'avais vraiment peur... je savais qu'il allait me faire la peau. De toute façon, rien que dans son regard, c'était de la violence. En plus, à l'époque, on avait fini de payer la maison donc je savais très bien qu'il n'avait plus besoin de moi, j'étais moins que rien. Il prenait un malin plaisir à me faire peur, à se faire prendre."
"Je n'avais pas envie de crever sous les coups."
Sylvia se souvient de l'épisode qui l'a poussée à partir : "heureusement que ma fille était là, car il s’apprêtait à me fracasser un tabouret sur la tête. Ce jour-là, j'ai cru que mon heure était arrivée. j'ai choisi la fuite". Qu'est-ce qui lui a donné le courage ? "Je n'avais pas envie de crever sous les coups. Je me suis dit que pour ma fille, c'était inacceptable. Pour qu'elle ne subisse pas de violences non plus."
Le rôle des médecins a été largement abordé dans l'Yonne lors de tables rondes à l'occasion du Grenelle. Cette réflexion a d'ailleurs abouti à des mesures concrètes : "Il faut favoriser un accueil particulier dans les hôpitaux , a fortiori au niveau des urgences. Car on se rend compte que les professionnels de la santé ont un rôle à jouer en terme de détection. C'est à dire essayer de comprendre ce qui n'est pas dit. Une blessure peut être questionnée sur son origine. Tout simplement poser la question : "avez vous été victime de violence conjugale". Ça peut paraître d'une simplicité confondante mais ça peut permettre de détecter des situations", explique Juliette Rome, déléguée départementale aux droits des femmes.
Peines alourdies en cas de harcèlement
La proposition de loi prévoit aussi d'alourdir les peines en cas de harcèlement au sein du couple. Elles seraient portées à dix ans d'emprisonnement et 150.000 euros d'amende lorsque le harcèlement a conduit la victime à se suicider ou à tenter de se suicider. Le texte LR voté en décembre avait déjà intégré certaines propositions du Grenelle, comme la suspension de l'autorité parentale en cas de crime.
