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Thérapies de conversion au Puy-en-Velay : "on venait nous faire un lavage de cerveau" témoigne un rescapé

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Après 3 ans de lutte, Benoît Berthe est soulagé. Le mardi 25 janvier, l'Assemblée a définitivement adopté l'interdiction des thérapies de conversion, ces pratiques visant à "soigner" par la prière l'homosexualité ou la transidentité. Le porte-parole de Rien à guérir a vécu ces thérapies au Puy.

Le jeune homosexuel a passé de nombreux weekends dans des réunions religieuses en Haute-Loire pour "guérir" de son attirance pour les garçons. Le jeune homosexuel a passé de nombreux weekends dans des réunions religieuses en Haute-Loire pour "guérir" de son attirance pour les garçons.
Le jeune homosexuel a passé de nombreux weekends dans des réunions religieuses en Haute-Loire pour "guérir" de son attirance pour les garçons. © Maxppp - QUEMENER YVES-MARIE

C'est l'aboutissement de trois ans de lutte : les députés ont définitivement adopté mardi 25 janvier la loi interdisant les thérapies de conversion, ces pratiques, souvent religieuses, visant imposer l'hétérosexualité aux personnes homosexuelles, ou changer l'identité de genre des personnes transgenres. Benoît Berthe, le porte-parole du collectif Rien à guérir, qui a participé à l'élaboration de ce texte, est soulagé. Lui-même a connu ces pseudos-thérapies pendant son adolescence au Puy-en-Velay. 

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Vous qui avez participé à l'écriture de ce texte et milité pour l'interdiction de ces pratiques, ça vous fait quoi cette adoption définitive du texte par les députés ?

Benoît Berthe : C'est un énorme soulagement. C'est la fin de plus de trois ans de combat pour faire en sorte que la société, qui connaît encore très mal ces réalités et les politiques, prenne position. Une position forte puisque ça fait plus de 30 ans qu'on sait que ça existe en France et qu'aucune d'entre elles n'avait été condamnée jusqu'à aujourd'hui.

Vous vous dites que ça y est, plus personne n'aura à subir ces stages parce qu'il ou elle est lesbienne, gay, bi ou trans ?

Oui, absolument. On sait qu'une loi, ce n'est pas uniquement un outil punitif. On sait que ça va dissuader les personnes d'utiliser ces pratiques dangereuses. Le Parlement européen, l'ONU, les qualifie de torture dans certains cas.

Concrètement, vous qui avez vécu ces pseudo thérapies, ça ressemble à quoi ?

En fait, ce qui est assez compliqué quand on essaie de bien décrire toutes les thérapies de conversion, c'est qu'il y a plein de pratiques différentes. D'ailleurs, en faisant des recherches avec les auditions au Parlement et les investigations des journalistes, on voit qu'il y a trois grands types de thérapies de conversion. Des thérapies de conversion religieuses, qu'on connaît plutôt bien parce qu'il y a eu beaucoup de films, de livres écrits. Des thérapies de conversion médicales avec des psychothérapeutes qui utilisent la psychothérapie de manière un peu dévoyée, tordue, pour essayer de changer ces choses qui ne se changent pas. Et il y a des thérapies de conversion sociétales, des pressions sociales dans des groupes de sport, dans un entourage familial. 

"On vient mélanger une espèce de bouillabaisse entre des textes religieux mal interprétés et des pseudos-psychothérapies."

Moi, c'était un petit peu du religieux et du médical puisque, au Puy-en-Velay et à d'autres endroits,  j'ai vécu ce qu'on appelle des thérapies psycho-spirituelles. On vient mélanger une espèce de bouillabaisse entre des textes religieux mal interprétés et des pseudos-psychothérapies où on vient à faire un arbre généalogique sur sa famille, trouver les causes de l'homosexualité, pointer du doigt des trucs qui n'iraient pas.

"On y va dans ces thérapies de conversion avec beaucoup de culpabilité. S'ajoute ensuite encore plus de culpabilité, puisqu'on y va pour changer, pour 'guérir' mais on voit bien que ça ne marche pas."

Dans mon cas, c'était surtout sous forme d'accompagnement, avec un père spirituel à qui on doit tout dire, se mettre un peu à nu, rentrer dans les détails de son intimité. Et c'est là que commence un processus très insidieux. On vient un peu nous faire un lavage de cerveau. On vient nous convaincre, avec une vision extrêmement sale et dégradée, de ce que serait l'homosexualité, de ce que fait la transidentité pour les personnes transgenres qui subissent aussi cette "thérapie".

Quel impact sur le jeune gay que vous étiez à l'époque?

Déjà, on ne se dit pas gay, justement. Moi, j'ai annoncé à mes parents, à 15 ans, que j'étais attiré par les garçons et eux qui avaient une vision mauvaise de la chose à l'époque, puisque très croyants et très tradis, voulaient que je sois heureux. Ils étaient convaincus que si je "tombais", entre guillemets, dans l'homosexualité, j'allais être malheureux toute ma vie. Ils ont fait ça pour m'aider. C'était évidemment maladroit. Moi, j'ai suivi puisque mes parents ont toujours tout fait pour m'aider. On y va dans ces thérapies de conversion avec beaucoup de culpabilité. S'ajoute ensuite encore plus de culpabilité puisqu'on y va pour changer, pour "guérir" entre guillemets, mais on voit bien que ça ne marche pas. Et donc vient s'ajouter à ça plus plus de malheurs parce qu'on se sent vraiment cassé, que quelque chose ne va pas et qu'on s'en sortira jamais.

Au Puy-en-Velay, l'ancien évêque a un peu "fait le ménage" lors de sa prise de poste. Vous pensez que ces pratiques perdurent encore aujourd'hui en France? Qu'il faut rester vigilant?

Oui, on le sait absolument. Notre collectif, qui a essayé d'être très vigilant sur ce qui se passe, répertorie par exemple, rien qu'à Paris et dans les environs, une vingtaine de groupes et d'institutions qui incitent à la thérapie de conversion. 

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