Non-voyants : un vigneron lance des étiquettes en braille en Côte-d'Or
Il n'est pas facile pour les non-voyants de différencier leurs vins. Une difficulté soulevée par Bertrand Guillemaud, vigneron à Meursault, qui lance les bouteilles étiquetées en braille. En France, les viticulteurs qui pratiquent l'étiquetage en braille sont très peu.

Peut-être vous êtes vous déjà demandé comment font les non-voyants pour différencier leurs bouteilles de vin à la maison ? C'est en tous cas une difficulté, résolue par Bertrand Guillemaud, vigneron à Meursault. Dans sa petite production de cinq ouvrées* de Bourgogne blanc, il a lancé des bouteilles étiquetées en braille.
C'est l'un des seuls à faire ça en Bourgogne, après le Domaine Massenot en Saône-et-Loire qui le fait depuis quatre ans. Selon nos recherches et le Bureau interprofessionnel des vins de Bourgogne, seuls ces deux domaines utilisent le braille sur leurs bouteilles en Bourgogne.
Différencier ses vins, une difficulté pour les non-voyants
Jacky Charles est aveugle de naissance et habitué au braille. Il a déjà ses petites astuces pour différencier ses vins, même si au toucher, ce n'est pas simple : "je me réfère aux formes des bouteilles". Sinon, il s'organise en rangeant bien, en étiquetant ses cartons, mais il ne peut avoir une grosse cave car il s'y perdrait.
Pour lui, des étiquettes en braille seraient très utiles, à condition que le relief résiste à la poussière des caves ou à l'humidité des frigidaires. Ce à quoi l'initiateur du projet répond qu'il "découvre lui aussi le produit", mais avec quelques précautions, "le braille devrait résister à la cave, peut-être un peu moins au frigidaire et surtout moins au seau d'eau."

"C'est à la bouteille des fois que je peux me repérer" - Jacky Charles
1.800 étiquettes lisibles par les non-voyants imprimées
L'idée est venue tout naturellement à Bertrand Guillemaud, "à force d'organiser et de pratiquer des dégustations à l'aveugle" justement. Il s'est demandé comment les personnes vraiment aveugles faisaient en rentrant à la maison, en observant également leurs sens hyper-développés. Sur les étiquettes, les non-voyants trouveront l’appellation, le millésime et le nom du domaine.

On parle beaucoup de rendre accessible les lieux publics, pourquoi pas rendre le vin accessible à tout le monde" - Bertrand Guillemaud
Alors, il s'est rendu chez son imprimeur habituel, à Beaune, l'entreprise Jaquelin. Ensemble, ils ont conçu l'étiquette et fait traduire le texte en braille par une association. Max Jaquelin utilise"une encre spéciale qui gonfle et crée du relief", comme il le fait pour le grand domaine Chapoutier en Côte du Rhône, qui utilise des étiquettes en braille depuis 1996.
Cela coûte 12 centimes de plus par étiquette au vigneron. Un coût que "l'on peut se permette aujourd'hui pour faire plaisir aux gens" explique ce dernier, à en voir "le rayonnement international des vins de Bourgogne". Pour son millésime 2017, 1.800 étiquettes lisibles par les non-voyants ont été imprimées.

En France, le nombre de domaines qui utilisent le braille sur leurs bouteilles se compte sur les doigts de la main selon nos recherches. Bertrand Guillemaud espère que de nombreux vignerons suivront le mouvement.
"Pourquoi pas rendre le vin un peu plus accessible" - Bertrand Guillemmaud
* Une ouvrée est une mesure réservée à une surface viticole en Bourgogne. Principalement utilisée dans l'Est de la France, cette unité de mesure française correspond, à l'origine, à la surface de vigne qui pouvait être bêchée par un vigneron en une journée au Moyen-Âge, soit 4.28 ares, l'équivalent de 428 m².