INTERVIEW - Mondial : omniprésent, l'arbitrage vidéo est-il efficace ?
Utilisé 335 fois lors des matchs de poules achevés ce vendredi, le VAR - assistance vidéo à l’arbitrage - ne fait toujours pas consensus. Alors, efficace ou pas ? Le point avec Patrick Lhermite, ancien arbitre international consultant pour France Bleu.

Pour ou contre ? Le débat autour de l'arbitrage vidéo n'est toujours pas tranché, malgré la très fréquente utilisation qui en est faite par les arbitres du Mondial en Russie. Penaltys, cartons jaunes, buts refusés, le VAR a en effet été omniprésent durant les matchs de poules, avec 335 utilisations sur 48 matchs. Des premiers enseignements peuvent être tirés ce vendredi.
Qu'en pense Patrick Lhermite, ancien arbitre international et consultant pour France Bleu durant cette Coupe du Monde ?
L'assistance vidéo est-elle utile depuis le début de ce Mondial ?
J'ai le sentiment qu'elle a été efficace. Elle a permis de corriger des décisions d'arbitrage qui étaient erronées. Donc c'est une aide pour les arbitres dans leur exercice et elle rétablit une certaine équité. C'est très bénéfique pour l'éthique du football.
A-t-elle permis de clarifier les situations confuses ?
Un seul exemple : sur les 24 penalties sifflés, neuf ont été accordés après intervention du VAR, et deux ont été invalidés à juste titre lors de Brésil - Costa Rica et Sénégal - Colombie (au total, 14 décisions ont été changées lors de ce premier tour après utilisation de la VAR, et 3 confirmées, ndlr).
Quels sont les points à améliorer ?
Rien n'est parfait. Il faut d'essayer de trouver une uniformisation dans l'interprétation des images. Notamment sur les cas de mains dans les surfaces de réparation. Lors de Nigeria - Argentine, une main n’est pas sifflée (à la 76ème minute, le défenseur argentin Rojo touche en effet le ballon de la main lors d'un duel aérien dans la surface, ndlr). A contrario, avec une main à peu près identique, le penalty est accordé lors du match entre le Portugal et l'Iran (lors d'une action similaire, le défenseur portugais Cedric touche le ballon de la main à la 89ème minute, ndlr). On voit bien qu'il y a eu des interprétations différentes, et qu'il reste donc un peu de travail de réglage à effectuer entre les arbitres VAR et celui sur le terrain.
On a parfois eu un doute devant les matchs : les arbitres dans la cabine vidéo ont-ils le droit d'interpeller l'arbitre central ?
Absolument. Sur les quatre situations autorisées (voir infographie ci-dessous, ndlr), ils peuvent intervenir. On l'a vu notamment sur les situations de penalty dans ce Mondial. Le VAR doit intervenir uniquement sur des actions clairement erronées. Dans son centre de visionnage, il a plusieurs images, plusieurs angles, plusieurs éléments pour dire "oui ou non", ce n’est pas de "l'à-peu-près". Ou c'est clairement erroné et j'appelle ou ce n'est pas clairement erroné et je n'interviens pas. L'arbitre interpellé va ensuite à la vidéo, devant l'écran, il regarde l'image et c'est lui qui décide en dernier recours, selon son interprétation.
L’assistance vidéo fait-elle perdre trop de temps de jeu ?
Dans le temps effectif de jeu d'une rencontre, on perd en moyenne trois minutes sur les remplacements, quatre sur les corners, six sur les coups de pied de but et neuf sur les coups francs. Or le recours à l'assistance vidéo fait perdre en moyenne une minute et huit secondes (80 secondes selon la Fifa, ndlr) de jeu sur la totalité d'un match, depuis le début de la Coupe du monde. On a l’impression que c'est long mais cela reste du domaine du ressenti, car le VAR est quelque chose de nouveau. Au final, un coup franc aux abords de la surface de réparation dure plus longtemps qu'une intervention vidéo.
Les arbitres ne sont-ils pas davantage soumis à la pression des joueurs, qui réclament souvent l'assistance vidéo ?
Dans tout système il y a une adaptation. La FIFA a été claire : les joueurs qui feront le geste de l'arbitrage vidéo pourront être sanctionnés comme lorsqu'un joueur réclame un carton. Il faut que tout le monde s'habitue et ça va rentrer gentiment dans les mœurs.