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Cyril Bellot, médecin du SM Caen : "On est toujours sur le fil"

Le Dr Cyril Bellot est depuis juin dernier le médecin du SM Caen. Il a pris la suite du docteur Hervé Schulc - le médecin emblématique du club pendant près de trente ans - après en avoir été son assistant pendant près de treize ans. Et cette première saison n'est pas de tout repos.

Cyril Bellot a pris la succession du docteur Hervé Schulc depuis juin dernier au SM Caen Cyril Bellot a pris la succession du docteur Hervé Schulc depuis juin dernier au SM Caen
Cyril Bellot a pris la succession du docteur Hervé Schulc depuis juin dernier au SM Caen © Radio France - Olivier Duc

France Bleu : Comment êtes-vous devenu médecin du Stade Malherbe Caen?

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Cyril Bellot : Tout d'abord sur la pointe des pieds.  Hervé Schulc est venu me chercher en 2007 pour que je l'aide. J'étais plutôt son assistant. Il m'a formé. Je lui dois tout de ce qui s'est passé ici. Je suis devenu son remplaçant. Et puis ensuite, on a commencé progressivement à travailler vraiment à deux sur le stade Malherbe. 

Depuis maintenant dix ans , Je ne fais plus de médecine générale. A la base, Je suis médecin généraliste avec une formation un peu plus axée sur les urgences, donc d'urgentistes. Et puis ensuite, progressivement, je me suis formé à la médecine du sport par le biais, justement, d'Hervé Schulc. 

J'ai passé plusieurs diplômes de médecine du sport et maintenant je ne fais plus que ça. J'ai un cabinet à Caen de médecine du sport uniquement. Tout ce qui touche aux os, muscles, articulations, tendons. Et puis j'ai mon activité au sein du stade qui maintenant me prend quasiment 100 %de mon emploi du temps 

FB : Par rapport à un médecin généraliste, quelle est justement la formation pour faire de la médecine du sport? Quels sont les diplômes nécessaires? 

Le socle de médecine générale reste le même. C'est huit à neuf ans d'études. Des diplômes de médecine du sport, il y en a beaucoup. J'en ai. J'en ai passé deux. Ce sont des diplômes spécifiques à la traumatologie. 

FB : En quoi consiste le travail d'un médecin de club et quelles sont vos prérogatives?

Les choses évoluent beaucoup. A l'époque du docteur Schulc, on est parti quasiment de rien. C'est une vraie structure médicale qui a été montée. Il s'agit aujourd'hui vraiment de l'accompagnement de l'équipe : que ce soit par la présence aux entraînements, par la prévention et principalement la gestion des blessures.

La gestion des blessures représente 90% de mon emploi du temps : être capable de faire un diagnostic, être capable de mettre en place un programme de reprise,  des délais et tenir ces délais que ce soit au niveau rééducation ou réadaptation. 

FB : On dit toujours que les relations avec le staff sont très importantes et qu'il s'agit de relations de confiance. Il faut expliquer quand il faut retenir un petit peu le joueur, ne pas le faire revenir tout de suite? C'est tout un équilibre qui doit se mettre en place?

Oui, c'est probablement la partie la plus compliquée, surtout quand on est jeune, quand on arrive et qu'on débute un peu dans ce milieu là. Ça fait maintenant quelques années que je suis là et j'ai côtoyé quand même pas mal de coachs ici. Mais c'est vrai que c'est la partie la plus compliquée. C'est d'être capable de faire passer l'intérêt du joueur mais ne pas oublier l'intérêt de l'équipe. Donc, on protège la santé des joueurs mais aussi on cherche la performance et on cherche avant tout la victoire. 

FB : Par rapport à de la médecine classique, y-at-il une notion de prise de risque entre guillemets, c'est à dire qu'il faut soigner, mais soigner vite aussi, préparer vite et relancer les joueurs? Ce n'est pas du tout la même médecine que la médecine classique? 

C'est tout à fait ça. C'est à dire qu'on est toujours sur le fil. On est avec des sportifs professionnels. Les coachs ont la volonté de récupérer les joueurs le plus vite possible. Nous, on a la volonté de les remettre sur le terrain le plus vite possible aussi, tout en évitant la récidive de blessures parce que c'est ce qu'on craint le plus dans une blessure. Si on va trop vite, on va avoir des récidives. Donc on est sur cet équilibre. On est sur ce fil tout le temps. 

FB : Cette saison est peut être l'une des plus chargées de votre carrière? 

Oui, sans hésiter. C'était la saison la plus chargée de ma carrière. On a eu un début de saison avec des traumatismes qu'on avait quasiment jamais vu. On a commencé la saison avec deux croisés. On a eu pas mal d'opérations de genoux et des opérations de pubis. Honnêtement, je n'avais jamais vu ça. On s'est posé pas mal de questions sans parler du Covid. Sans hésiter, c'est la saison la plus chargée qu'on ait eu.

FB : Quelles sont les blessures les plus compliquées pour un médecin du sport?

Le plus compliqué reste les gros traumatismes qu'on a vu. Vous avez vu par exemple la blessure de Mehdi Chahiri. Ce sont des dossiers complexes parce qu'il faut gérer l'urgence, il faut gérer la chirurgie, être en lien avec les chirurgiens. Il faut gérer l'après-chirurgie. Il faut gérer le mental du joueur parce que c'est souvent très difficile d'accepter une blessure comme ça. Que ce soit celle de Mehdi ou les deux croisés qu'on a eue. Ces blessures sont les plus compliquées à gérer puisqu'on part sur des mois de travail. Ce sont de très gros dossiers.

FB : Il y a aussi des blessures parfois compliquées, comme les pubalgies, plus longues et plus difficiles à traiter? 

Oui, c'est un autre type de blessure. Sur un croisé ou sur une fracture, vous allez quasiment avoir toujours le même programme. Vous pouvez quasiment l'écrire à l'avance.  Sur des phénomènes de pubalgie, des phénomènes inflammatoires, vous êtes plus dans la gestion et dans la prévention justement pour pouvoir éviter des arrêts de longue durée et laisser les joueurs le plus possible sur le terrain tant qu'ils peuvent être performants. 

FB : Les joueurs sont des patients particuliers. Ils ont un rapport à la douleur qui est totalement différent du nôtre. On a l'impression qu'ils vivent un peu avec la douleur? 

Oui, alors je dis toujours que la douleur est un peu subjective. Cela dépend surtout énormément des personnes. Mais effectivement, un joueur de foot professionnel, c'est différent d'un joueur ou d'un sportif lambda. Il va peut être parfois supporter un peu plus ses douleurs, mais pas toujours. En réalité, ils sont aussi très à l'écoute de leur corps. Le plus important, c'est de commencer à bien les connaître. Et quand on connaît bien les joueurs, on commence à cerner quel joueur va pouvoir être capable de passer au delà. Et quel joueur va devoir être plus ménagé. 

FB : Ils viennent souvent vous consulter justement par rapport à l'écoute de leur corps?

Oui, ils sont très à l'écoute. Ils viennent beaucoup nous voir, même pour les petits bobos. Mais c'est ce qu'on leur demande. On leur demande de tout nous signaler. Donc, ils le savent. Les jeunes ont encore beaucoup de choses à apprendre mais la plupart sont vraiment des professionnels. Et quand il y a vraiment des choses embêtant, ils le savent. Ils le sentent. 

FB : Cela dépend de l'âge et de l'expérience? On a vu par exemple Ilyes Najim prendre sur lui pour pour jouer et finalement se blesser contre Nancy. Une erreur que n'aurait peut-être pas fait un Prince Oniangué qui est sorti à temps à Toulouse la saison passée? 

Oui, tout à fait. Alors, on ne peut pas leur en vouloir. Quand on est jeune, quand on a 18 ans et qu'on est sélectionné dans un groupe professionnel pour jouer en Ligue 1 ou en Ligue 2, ne pas signaler une petite douleur ou une petite blessure pour pouvoir jouer à tout prix peut se comprendre. On aurait peut être tous fait la même erreur. Il n'est pas question de leur en vouloir pour ça. Encore une fois, à nous de les pister et de les connaître pour pouvoir éviter ça. 

FB : C'est un métier passionnant. C'est totalement différent de la médecine classique?

Oui, c'est complètement différent. C'est passionnant. Si je suis là depuis 14 ans, c'est parce que ça me passionne. J'adore ce travail. C'est complexe. Après, c'est aussi de la médecine confortable. Il faut être honnête. On n'est pas mis sous pression comme lorsque j'étais aux urgences ou lorsqu'on était même médecin généraliste. On a le temps. On a les moyens. On a une structure formidable. Donc oui, c'est passionnant. 

FB : Mais il y a cette gestion quand même d'un stress différent avec des responsabilités économiques et sportives qu'on n'aurait peut être pas aux urgences où les interventions sont parfois vitales?

Exactement là où on est, on est un peu dans la médecine de riche. Il faut être tout à fait honnête, c'est à dire qu'il faut aussi tout le temps gérer ce timing. Et puis, effectivement, on est quand même plus dans le confort. 

FB : Vous ne faites pas toujours les déplacements. Ça se passe comment? 

La volonté, pour l'instant, était de ne pas de ne pas emmener un médecin en déplacement. Peu de clubs de Ligue 2 se déplacent avec leur médecin. C'est aussi une question de budget. C'est une question de temps passé. Ma volonté était aussi, pour commencer cette saison, de ne pas faire les déplacements au niveau familial. Et puis, je suis en train de former un jeune avec moi. Ce qui est certain, c'est qu'en Ligue 1, il faudra un médecin en déplacement. Et peut-être même dans les années où les saisons qui viennent, je ferai les déplacements en grande partie. Pour l'instant, j'en fais peu. 

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